On lui avait dit qu’elle faisait partie de l’équipe. 
Mais jamais sur l’organigramme. 
Jamais dans les mails importants. 
Jamais sur la note de frais du déjeuner. 

Elle, c’était la stagiaire. 
Toujours là, jamais vraiment là. 
Assez présente pour prendre des notes, pas assez pour être sur la photo de groupe. 

Elle arrivait la première, repartait la dernière. 
Et quand elle croisait un cadre dans l’ascenseur, il lui souriait comme on sourit à un animal de compagnie. Gentiment. Sans jamais demander le nom. 

On lui disait qu’elle faisait un “travail incroyable pour son âge”. 
Mais pas assez incroyable pour un salaire. 
Pas assez fou pour un contrat. 
Juste assez bien pour qu’on se dise “elle ira loin” mais une fois qu’elle sera ailleurs. 

Elle gérait les urgences, les PowerPoints, les to-do lists qu’on ne voulait pas faire. 
Elle gérait tout. 
Sauf son avenir. 
Parce que ça, on ne lui avait pas encore appris à le monétiser. 

À la fin de son stage, elle a reçu un tote bag, un “merci beaucoup”, et une recommandation LinkedIn écrite entre deux réunions. 

Et puis c’est tout. 

Le pire ? 
Ce n’est même pas le manque de reconnaissance. C’est la fausse reconnaissance. 
Celle qu’on emballe avec des mots mignons, des emojis, et des “t’es géniale !” balancés à la va-vite. 

Mais elle n’était pas là pour les smileys. 
Elle était là pour apprendre, grandir, exister. 
Elle a appris à faire semblant d’apprendre.  Eux, à faire semblant de former.
À la fin, tout le monde s’est félicité. 

Sauf elle, qui a compris : dans les open spaces, l’exploitation, prend l’ascenseur, partage des gifs, et te remercie pour ta “polyvalence” 

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