La narcolepsie est une pathologie du sommeil. Elle nuit à ce dernier en causant des troubles la nuit ou des endormissements incontrôlables la journée. Camille, narcoleptique depuis quelques temps, nous raconte son quotidien avec cette maladie. 

1/ Peux-tu te présenter et me raconter ton parcours scolaire ? 

Je m’appelle Camille, j’ai 24 ans et j’ai un parcours scolaire plutôt classique. J’étais au lycée général en classe européenne, scientifique avec option latin. Après l’obtention de mon bac S, j’ai directement intégré une école d’ingénieurs post bac. J’ai suivi le cursus « ingénieur manager ». Pendant ces 5 années, j’ai suivi des cours à l’ESME Sudria (école d’ingénieurs pluridisciplinaire). En parallèle, j’avais des cours à l’ISG (école de commerce). Le rythme était plutôt soutenu car je suivais deux parcours à la fois. Ainsi, j’avais deux diplômes à valider sur ces 5 années : Big Data en école d’ingénieur et Marketing Digital en école de commerce. Ne sachant pas que j’étais narcoleptique pendant cette période, je suis tout de même allée jusqu’au bout de mes études et obtenu mon double diplôme. 

2/ Qu’est-ce que la narcolepsie ? 

La narcolepsie est une pathologie du sommeil. C’est une maladie auto-immune qui ne permet pas à notre organisme de bien gérer notre sommeil. On ne sait pas vraiment quel est l’élément déclencheur de cette maladie. Elle peut être provoquée par une forte fièvre, une dépression, un choc émotionnel, un gros coup…

Il y a deux types de narcolepsie. On peut être narcoleptique ou narcoleptique avec cataplexie. La cataplexie est une perte de tonus musculaire et généralement provoquée par une forte émotion. On peut faire tomber un objet de nos mains, ne plus être capable de se tenir debout, tomber, ne plus pouvoir parler correctement, etc. Un narcoleptique va au global s’endormir très rapidement, en moins de 2 min. Cela peut être à n’importe quel moment, sans son bon vouloir et plusieurs fois d’affilé. S’ajoutent à cela des paralysies du sommeil et des hallucinations. 

Paradoxalement les nuits peuvent être assez agitées, avec des réveils très fréquents. Également, une phase d’entre deux où rêve et réalité s’entremêlent au point de ne pas pouvoir distinguer, au réveil, la réalité du fictif. Chaque narcoleptique est différent. Certains ne se reconnaîtront peut-être pas dans ce que je dis, mais c’est ce que je vis

3/ Comment tu t’es rendue compte que tu étais narcoleptique ? 

Mon temps de trajet maison-école étant assez long (presque 4h aller-retour), mon entourage et moi pensions que c’était dû à la fatigue. J’ai mis un certain temps avant de me rendre compte que j’étais narcoleptique. La mère d’un ami m’a mis la puce à l’oreille après m’avoir observée et entendue. Je me plaignais souvent de mes endormissements en classe, en écrivant, pendant les examens, etc. Au fil du temps, mes symptômes s’intensifiaient et me pesaient. C’est ainsi que j’ai consulté un médecin du sommeil. Après des examens approfondis, il a transféré mon dossier aux spécialistes des pathologies du sommeil, à la Pitié-Salpêtrière. C’est là que je suis suivie actuellement. Finalement, j’ai passé mes 5 années d’études supérieures sans savoir que j’étais narcoleptique (aucun traitement, aucun aménagement scolaire …). 

Le mauvais sommeil, les prises de notes impossibles à relire, les endormissements en cours et examens. Je n’ai rien pu mettre en place pour faciliter ma scolarité. 

C’est seulement après mon stage de fin d’études que j’ai pris conscience de la difficulté d’avoir une vie professionnelle dans mon état. Mon maître de stage m’a clairement dit qu’il ne m’aurait jamais prise en stage s’il avait su que je m’endormais régulièrement. Il a ajouté que je devais me réorienter. À ce moment-là, j’ai compris que c’était une maladie sérieuse, handicapante et je croyais que ma vie était foutue

4/ Comment as-tu géré l’annonce de ce trouble ? 

L’annonce du trouble a été pour moi un soulagement. J’allais être prise en charge par des neurologues spécialisés dans cette maladie. C’était également un soulagement de pouvoir expliquer mon comportement. Je pouvais montrer que je ne suis pas impolie, désintéressée ou fainéante parce que je m’endors à des moments inappropriés. 

5/ Y a-t-il des moyens de contrer la narcolepsie ? Comment fais-tu pour lutter contre le sommeil ? 

On ne peut pas soigner la narcolepsie mais on peut limiter les endormissements grâce à des médicaments. Actuellement, j’ai connaissance de quatre médicaments. En ce qui me concerne, j’ai testé deux médicaments qui n’ont eu aucun effet sur moi. Celui que je prends actuellement améliore de 30% mon état. Cela paraît peu mais c’est déjà beaucoup. Je n’ai pas souhaité tester le 4è médicament car il est extrêmement contraignant. Je ne peux pas lutter contre le sommeil, mais le fait d’être en télétravail me permet de faire des siestes sur la pause déjeuner et des micros-siestes quand une crise se déclenche (5 à 10 minutes). 

6/ Aurais-tu une anecdote à nous raconter ? 

Je pourrai écrire un sketch sur ma maladie tellement les anecdotes s’accumulent ! Pour rester dans le cadre scolaire, lorsque je m’endormais en amphi, j’avais une amie qui me mettait de grosses gifles pour me réveiller. Cela ne fonctionnait évidemment pas, mais elle trouvait un malin plaisir à essayer de me réveiller à chaque fois ! 

7/ Dans la vidéo de ohmymagfr, tu expliques que tu es consciente sans en être consciente. Tu racontes que quand ça arrive, tu t’endors et tu envoies des messages, like des photos, partages des TikTok sans le vouloir. Comment peux-tu expliquer ça ? Est-ce que ça t’a déjà porté préjudice ?

C’est assez difficile à expliquer. Alors que je suis normale, d’un coup mon corps se paralyse, je vais me mettre à somnoler et mon pouce à trembler. Par exemple, quand j’écris un message et qu’une crise se déclenche, je vais essayer de résister. Mon pouce qui tremble appuie sur l’écran à répétition. Résultat : j’écris n’importe quoi, je partage des TikTok à n’importe qui, je like des photos, etc. C’est assez mystérieux mais il faut le vivre pour le comprendre. Heureusement, cela ne m’a pas encore porté préjudice, même si je me sens honteuse. 

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